Niépce correspondance et papiers
N IEPCE 587 beaucoup plus marqués, quoique moins prompts attendu que l’agent principal 1 n’a [...] 2 plus la même énergie. Je suis déjà parvenu à obtenir quant à la matière colorante, un degré de fixité tel qu’un objet peint depuis près de 3 mois, ne s’est pas altéré sensiblement. Mais il me faudrait pouvoir transposer les teintes ; ce que je ne puis faire convenablement qu’à l’aide d’une substance qui agirait d’une manière toute opposée à celle que j’emploie, cequi nécessiterait de nouvelles recherches aux quelles cependant ; je me propose de me livrer, ou bien en parvenant à donner à l’agent en question, une action également contraire 3 . J’ai lu la description d’un instrument inventé depuis quelques années en Angleterre, et qui sous ce rapport, pourrait bien remplir mon objet : c’est la chambre lucide de Wollaston 4 , perfec- tionnée par M. Bate . Cet instrument fort ingénieux, est d’une grande simplicité et si peu volumineux qu’on peut le mettre en poche. On peut par ce procédé dessiner en plein jour. La machine consiste en un prisme suspendu comme ils le sont, et auquel on donne la position convenable. Il est muni d’un diaphragme mobile, et projette sur un papier blanc au dessous de lui, l’image des objets représentés avec une grande netteté. Je viens de charger Isidore de prendre des renseignemens précis à ce sujet avant son départ 5 . Si cet instrument, que je dési- rerais beaucoup d’avoir, ne se trouvait pas à Paris, je te prierais alors, mon cher ami, de vou- loir bien t’informer du prix qu’il coûte, de la maniere de s’en servir, car il faut la connaître, et de t’assurer par toi même de l’éffet qu’il produit. Quand cette machine n’aurait d’autre avantage sur celles de cette espèce, que de représenter les objets avec une grande clarté, ce serait déja beaucoup pour moi ; mais si par ce procédé, l’image se trouvait plus fortement éclairée que le fond, alors la transposition si importante des ombres et des jours, aurait néces- sairement lieu ; et // c’est la plus grande difficulté que j’aie encore a surmonter. Je suis porté à croire que c’est ainsi, d’après la dénomination même de l’instrument qui semble être l’in- verse de la chambre obscure 6 . Je suis entré là dessus, comme tu le vois, dans de longs détails ; A remarquer aussi qu’à cette époque, suivant les ouvrages, le bitume de Judée était classé dans les sub- stances animales ou bien dans les substances minérales. La suite du texte nous fait pencher pour le bitume. 1. Le soleil. 2. Mots rayés, illisibles ; peut-être pas à bea . Nicéphore aurait commencé par vouloir écrire pas à beaucoup près. 3. C’est la toute première mention d’une image fixée. Nous comprenons qu’il s’agit d’un négatif. Parmi tous les composés employés par Niépce tout au long de ses recherches (dont il fera lui-même le recensement en 1829), il n’y a que le bitume qui lui ait permis d’obtenir des images fixées et qui plus est : négatives. Il est donc probable que Nicéphore décrit ici ses premières expériences avec du bitume de Judée. On observera qu’avec ce premier succès, l’inventeur devient très énigmatique sur les substances qu’il emploie. Cette atti- tude est dictée par la crainte que ses lettres soient ouvertes et qu’on y apprenne le secret de son invention. Toutefois ce n’en sont que les prémices et il faudra encore quelques années pour que l’invention de la pho- tographie puisse être déclarée. 4. William Hyde Wollaston, le célèbre chimiste et physicien (1766-1828). Admis à la Royal Society le 6 mars 1794, il en fut le secrétaire du 30 novembre 1804 jusqu’au 30 novembre 1816, et plus tard, fréquemment élu vice-président. A la mort de Joseph Banks, il fut proposé pour lui succéder, mais connaissant l’ambition de Humphry Davy,Wollaston se retira de la compétion ; néanmoins il consentit à être président par intérim, du 29 juin 1820 jusqu’à l’élection du 30 novembre suivant (D.N.B.). Parmi ses nombreux travaux, nous en cite- rons deux qui ont un rapport avec la photographie. Il s’était intéressé, en 1811, aux effets de la lumière sur la résine de gaïac et avait démontré que les rayons ultra-violets sont responsables des transformations. Un an plus tard il s’occupera de perfectionner la chambre obscure en équipant l’objectif d’un verre ménisque. Pourtant, il n’ira pas jusqu’à placer de la résine de gaïac dans une chambre obscure pour tenter d’en capter les images. Nicéphore rencontrera Wollaston en Angleterre en 1828 (v. 454). 5. Isidore, qui servait toujours dans les gardes du corps, s’apprêtait à partir en congé pour la Bourgogne (v. infra). La lettre à laquelle il est fait allusion nous est inconnue. 6. La camera lucida ou chambre claire dont il est question ici est en fait un instrument à dessiner, inventé par Wollaston vers 1804. Un prisme est maintenu sous l’œil du dessinateur au moyen d’une tige métallique 325 1815 1824 1 8
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