Niépce correspondance et papiers

64 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS 50 Requête 1 Angers, 1790. Nouvelle adresse des étudiants en Droit à l’Assemblée nationale. Messieurs 2 , Vous avez accueilli favorablement l’hommage des prémices de nos travaux : cette faveur autorise les représentations que nous désirons vous faire sur l’usage de l’enseigne- ment en langue latine. Nous avons, sous vos auspices, formé le projet de ne puiser les prin- cipes de la jurisprudence que dans les lois émanées de votre sagesse. Mais vos décrets sont rendus en langue française, parce qu’ils sont la loi de tous les Français ; ceux qui les feront exécuter, ceux qui discuteront ou qui jugeront la cause du pauvre, du riche, de la veuve, de l’orphelin, du faible opprimé, de l’homme puissant, ceux qui les aideront de leurs conseils ou qui les condamneront, ne parleront pas un autre langage que celui de vos décrets ; il n’existera pas un seul citoyen qui veuille en ignorer les expressions. Serait-il donc réservé aux Ecoles de transmettre en une langue morte les lois vivantes qui doivent régénérer l’em- pire, au risque d’en altérer le texte, d’en obscurcir le sens, peut-être même d’empêcher les élèves d’en pénétrer l’esprit ? Comment justifier l’antique usage d’enseigner un code de lois étrangères, et de l’enseigner dans un langage peu familier, chez une nation qui, dans le grand art, l’art suprême de la législation, rivalise avec Athènes et Rome 3 , et qui déjà l’em- porte sur elle. Chez une nation dont la langue est la langue universelle des sciences dans le monde entier ? Les lois d’un peuple libre ne peuvent être transmises dans toute leur pureté que dans la langue nationale de ce peuple, devenue partout l’idiome de la liberté. Nous vous prions, Messieurs, de peser dans votre sagesse s’il ne serait pas plus favorable à l’étu- de des lois de les enseigner en langue française, dès la prochaine année académique. Ce ne serait pas anticiper, mais préparer un plan d’éducation nationale qui doit couronner le grand œuvre de la Constitution, ce serait ajouter à vos bienfaits. Quelle que soit votre déci- sion, Messieurs, nous redoublerons d’efforts et de zèle pour nous montrer dignes de parti- ciper au bonheur que vous préparez à l’humanité dont vous allez faire jouir la France entière et auquel aspire toute l’Europe 4 . 1. Publ. in F.U.3 (p. 514). 2. Selon Uzureau, cette nouvelle adresse fut entendue à la Constituante le 22 septembre. 3. Toute sa vie, Nicéphore lui-même se plaira à émailler de locutions latines sa correspondance et ses notices. Il manifestera sa prédilection pour le grec par un souci prononcé d’étymologie juste, notamment lorsqu’il s’agira de donner un nom à ses inventions. 4. Loin de rencontrer l’assentiment général, cette adresse à la Constituante fit apparaître le désaccord qui opposait certains professeurs de la Faculté de Droit d’Angers à son doyen. Le 19 novembre 1790, trois jours après la « rentrée publique », ce dernier étant absent, la Faculté se réunit en présence de MM. Prévost, Gastineau et Martineau (v. 48), et de trois docteurs agrégés : MM. Laboureau, Bodard, et Letellier. M. Gastineau s’exprima ainsi : « Messieurs, j’ai lu dans une feuille publique, imprimée par Crapard, qui a pour titre l’Ami du Roi, que les professeurs de Droit et étudiants de l’université d’Angers ont donné une adresse à l’Assemblée nationale tendante à demander l’enseignement en langue française dans les études de Droit. J’ignore si quelqu’un de vous a signé cette adresse ; à mon égard, je sais que je n’y ai pas participé, et je prie la compagnie de délibérer sur cet objet, qui pourrait laisser des impressions désavantageuses sur une com- pagnie qui a cru devoir attendre en silence les lois de l’Assemblée nationale sur l’enseignement public ». Voici la résolution prise par la Faculté : « La matière mise en délibération, MM. présents à l’assemblée ont déclaré qu’ils n’ont pris aucune part à l’Adresse qu’on annonce avoir été faite à l’Assemblée Nationale. En conséquence, la compagnie a arrêté qu’elle attendra et professera toujours avec respect les lois de la Nation, mais qu’elle n’a pas pris la liberté de les provoquer de son propre mouvement ni d’anticiper sur elles, et que la présente délibération sera rendue publique par la voie de l’impression » (F.U.3 p. 515). 1761 1792 Du règne de Louis XV jusqu’à la chute de la monarchie

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