Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 675 Le Sieur Bertrand est regardé comme un dignitaire de la charbonnerie 1 et l’on présu- me que son voyage à Lyon avait pour but d’y porter ou d’aller y recevoir des instructions. L’on remarque depuis quelques jours // chez les libéraux de Chalon un redoublement d’ac- tivité pour la propagation de leurs doctrines. On dit aussi que ces deux messieurs ont dû arriver à Lyon l’avant veille de l’enterre- ment du commerce et assister à cette scène libérale qui a eu lieu le 1 er dimanche de carême. Je n’ai point sur cette dernière circonstance des informations bien positives, mais je vais en demander à mon collègue du Rhône en lui signalant MM. Niepce et Bertrand et le priant de me faire part des renseignemens qui auraient pu également lui parvenir sur la conduite qu’ils auraient tenue à Lyon. J’écris en même tems à M. le sous préfet de Chalon et à M. le maire de Sennecey pour m’assurer si ces individus se sont effectivement absen- tés depuis le 14 pour se rendre à Lyon, et pour obtenir tous les détails propres à m’éclairer sur les motifs et les circonstances du voyage dont il s’agit. J’aurai l’honneur de vous rendre compte du résultat de ces informations si je le juge assez important pour vous être communiqué. Je suis avec respect, Monseigneur, Votre très humble et très obéissant serviteur Le préfet de Saône et Loire C te . du Bourblanc 2 A son Excellence le ministre de l’Intérieur 3 au souvenir de l’Empereur, son « bienfaiteur » (H.N.D.B. p. 36), homme d’honneur, de devoir et d’ordre, ennemi de toute intrigue, vraisemblablement ne s’était-il pas senti radicalement hostile à la Restauration. Dès lors, il avait pu se compter parmi les doctrinaires, partisans d’une sincère application de la Charte.Si, par la suite, il s’était sans aucun doute inquiété des progrès, puis du triomphe de l’ultra-royalisme, il n’avait rien de l’obscur et dangereux opposant au régime qu’on pourrait être tenté d’imaginer à la lecture de ce rap- port. Il faut considérer qu’à cette date (un mois et demi avant le passage de la Bidassoa), la gauche exploite à fond la question de la guerre d’Espagne contre les Bourbons. Tous les moyens sont bons. « Paul-Louis Courier annonce aux soldats qu’ils [le duc d’Angoulême et son armée] vont rétablir en Espagne d’abord, en France ensuite, l’ancien régime. “Pour les soldats, dit-il, l’ancien régime, c’est du pain noir, des coups de bâtons et pas d’avancement”—“Les souverains, ajoute-t-il, ont donc résolu de rétablir partout le régime du bâton, mais pour les soldats seulement. C’est vous qu’ils chargent de cela. Soldats, volez à la victoire ! et, quand la bataille sera gagnée, vous savez ce qui vous attend : les nobles auront de l’avancement, et vous aurez des coups de bâton… Au retour de l’expédition, vous recevrez tout l’arriéré des coups de bâton qui vous sont dus depuis 1789. Ensuite on aura soin de vous tenir au courant » (P.T.D.). 1. La célèbre société secrète des carbonari,qui avait pour but le triomphe des idées libérales,était née en Italie au début du XIX e siècle. Elle s’était répandue en France vers 1818. 2. Saturnin François Alexandre, comte du Bourblanc (1786-1849). Il fut préfet de Saône-et-Loire d’avril 1822 à octobre 1825. 3. Jacques-Joseph-Gillaume-Pierre, comte de Corbière. Il était ministre de l’Intérieur depuis le 14 décembre 1821. Il quittera le ministère le 4 janvier 1828. 368 1815 1824 1 8

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