Niépce correspondance et papiers
684 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS avec le plus sensible plaisir, mon cher ami, que tu as trouvé le moyen, en changeant la gran- de roue 1 , de faire servir en entier, // notre appareil circulaire. Cette application en grand, de ton admirable moteur, sera fort belle, et aura quelque chose de très imposant. Quand présumes-tu que ton ouvrage sera entierement terminé, et que tu pourras réaliser l’hom- mage de ta découverte ? Je désire bien que ce soit avant l’échéance de nos effets, pour que nous puissions sortir enfin de l’état de gêne où nous sommes depuis si longtems, et faire cesser les propos qui tendraient à nous décréditer dans l’opinion de certaines personnes. Je t’avais prié, dans mon avant-dernière lettre, mon cher ami, de vouloir bien nous dire le nom de tes deux illustres protecteurs. Nous serions charmés de le connaître, et tu pourrais compter sur le secret le plus inviolable de notre part. Je serais très-fâché d’insister là-des- sus s’il pouvait y avoir quelque indiscretion dans une pareille demande ; mais dans le cas contraire j’espè[re que] 2 tu auras la bonté d’y répondre 3 : tu nous feras le plus grand plai- sir./. Reçois, m[on cher] ami, mes tendres et bien empressés remercimens pour ta trop obli- geante attentio[n en] faveur du résultat de mes recherches. J’y vois un témoignage bien pré- tieux de ton affectue[use] amitié ; mais n’ayant pas encore entièrement atteint le but que j’ai en vue, je dois craindre de toute manière d’associer mon faible hommage au tien, en ne présentant que les premiers essais d’une découverte plus brillante qu’utile 4 . Je dois donc redoubler d’effort et de zèle ; car il ne m’est plus possible de rester stationnaire maintenant surtout, mon cher ami, que je suis stimulé d’une manière si puissante et si flatteuse. J’attendais pour faire l’expérience de mes nouveaux procédés à l’aide de la c. o. 5 que la cam- pagne fût dans tout l’éclat de sa parure, et ce moment est arrivé. Je me suis procuré chez Dejussieu imprimeur 6 , une pierre lithographique d’Allemagne d’excellente qualité. Elle est de 4 pouces 7 plus grande que mon appareil ; mais je la ferai rogner et ces rognures me seront fort utiles pour des épreuves en petit ; car les échantillons de pierre du pays dont je me suis servi jusqu’à présent sont pleins de défectuosités. J’ai déjà fait porter ma // pierre chez le marbrier, et elle doit être prête les derniers jours de cette semaine. Aussitôt que je l’aurai, je mettrai la main à l’œuvre ; et si j’obtiens une petite épreuve bien faite avec les rognures de ma nouvelle pierre, j’aurai le plaisir de te la faire passer dans ma prochaine lettre 8 . Adieu, mon cher ami, reçois les embrassemens les plus affectueux de la part de ma femme et de ton cher neveu aux quels je m’unis dans toute l’effusion de mon cœur. Reçois de toutes les personnes de ta connaissance les choses les plus amicales, en particulier de Ternant qui est venu nous voir avant-hier, et qui est parti ce matin pour Lyon. Tu as été, comme tu t’en doutes bien, mon cher ami, le plus intéressant objet de notre entretien, et nous n’avons pas manqué de boire à ta santé comme à tes brillans succès. [E.m. p. 1] P.S. Reçois aussi les respectueuses civilités de nos gens, et les tendres 1815 1824 1 8 De la seconde Restauration jusqu’à la naissance de la photographie 1. Celle de « la grande machine de rotation » désignée plus haut. On a vu qu’il arrivait aux Niépce de désigner par « grande roue » l’engin lui-même (v. 339). 2. Déchirure. 3. On ne peut exclure tout à fait que Claude ait fini par donner un nom, mais cette hypothèse est fragile (v. 375, 377n). 4. Ne pas croire que Nicéphore minimisait la portée de son invention.Il entendait « utile » en termes financiers de la plus grande urgence. Ses lettres à Claude en sont pathétiques (v. 375). 5. Chambre obscure. 6. Né à Autun en 1771, Dejussieu demeurait rue du Châtelet à Chalon (A.M.C. 3H1/2). 7. Près de 11 cm. 8. Retenir que l’épreuve en question serait sur rognure de pierre (v. 375).
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