Niépce correspondance et papiers

70 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS projet médité. Tous les droits de la confiance publique et de la propriété y furent violés ; on enleva tous les papiers qui se trouvèrent dans les bureaux, les portefeuilles et même dans les poches du secrétaire et de l’aumônier ; et ce fut dans le développement de ces objets saisis que se trouvèrent enfin de grands moyens d’accusation contre le P. général. Dès le lendemain, 23, il fut amené à la maison commune 1 par le commandement de la garde 2 . Là se trouvait une nombreuse assemblée d’administrateurs du district, d’officiers municipaux et de notables. On lui fit connaître plusieurs pièces qui le concernaient en dif- férentes manières ; il était naturel qu’avant de se porter à une mesure rigoureuse contre la liberté d’un citoyen, cette assemblée voulût être éclairée par ses explications sur ce qui fai- sait ombrage dans ses pièces ; elle ne se donna point cette satisfaction, et l’arrestation du supérieur et de deux autres prêtres attachés à Mgr. l’évêque, fut décidée dans le mystère. Le premier lieu de départ fut le séminaire, où, séparés ils passèrent deux jours sous l’ins- pection de sentinelles qui ne les perdaient pas de vue le jour et la nuit ; le 25, ils se trou- vèrent décrétés de prise de corps ainsi que leur évêque, comme auteurs, fauteurs et distri- buteurs de ses instructions. On est encore à comprendre comment les juges ont pu se motiver à eux-mêmes cet étonnant décret. Les lois actuellement en vigueur ne permettant le décret de prise de corps que dans le cas où par la nature de l’accusation et des charges, il paraît échéoir une puni- tion corporelle. Il est vrai qu’une des instructions avait pour objet la publication du bref du 13 avril 3 et que les lois ont attaché la peine de dégradation civique à ce délit constitutionnel, laquel- le peine comprend celle du carcan ; mais il a été établi dans l’interrogatoire que cette loi était postérieure à la publication du bref par M. l’Evêque de Châlons et qu’ainsi elle ne pou- vait avoir un effet rétroactif à l’égard des faits opposés aux accusés. Mais on ne manqua pas de dire que ces rigueurs étaient nécessaires pour les mettre à l’abri de la fureur du peuple ; il est bien vrai que M. le Maire de Châlons qui présidait à la perquisition dans l’évêché, n’avait rien omis de ce qui pouvait allumer cette fureur pôpu- laire. A mesure que l’on trouvait des lettres susceptibles d’une interprétation odieuse, on en rendait maîtres les gardes nationaux qui les lisaient au peuple et celui-ci les ornait du commentaire le plus absurde ; il se répandait même des copies de ces lettres dans les cam- pagnes ; de sorte qu’il n’était plus question que de la découverte d’un grand complot entre M. l’Evêque et ces ecclésiastiques, dont l’objet était de faire sauter le club 4 et la ville de Châlons ; il existait des souterrains pour contenir la poudre, et on en avait trouvé de grandes provisions à l’évêché et chez le P. Sup r . Par une suite de cette miséricorde de leurs juges, les accusés furent transportés aux 1. La mairie. 2. C’est le 17 juillet 1789 que la milice bourgeoise de Paris,ayant à sa tête La Fayette,avait pris le nom de garde nationale. Suivant l’exemple de Paris, les municipalités de province réorganisèrent leurs propres milices en gardes nationales. Engagé volontaire dans la milice bourgeoise de Chalon (devenue bataillon de la garde nationale dès le mois d’août 1789), Nicéphore y servit dans la 1 ère compagnie (v. 61). Nous ignorons s’il était de service lors de l’arrestation R.P. Latour, mais on imagine facilement quel désarroi suscita chez les Niépce la détention de leur voisin et confident de toujours. 3. Bref par lequel le pape avait déclaré suspens de leur ordre tous les prêtres jureurs qui ne se seraient pas rétractés dans le délai de quarante jours. 4. Le club (ou société populaire) de Chalon-sur-Saône était affilié au Club des Jacobins (liste du 7 mars 1791). 1761 1792 Du règne de Louis XV jusqu’à la chute de la monarchie

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