Niépce correspondance et papiers

N IEPCE 71 prisons royales par une armée de gardes nationaux au milieux des horreurs de la nuit. 1 La loi veut que l’accusé soit interrogé dans les 24 h de son emprisonnement. Le P. sp. fut trois jours au secret jusqu’au moment où il fut conduit à l’auditoire à travers la foule pour y être exposé à tous les désagréments d’un interrogatoire public. Cependant dans cette accusation, non plus que dans celles qui eurent lieu pendant la procédure, les accusés ne se sont point aperçus de la nécessité d’un décret de prise de corps pour les mettre en sûre- té contre la fureur du peuple. Après bien des questions sur les faits relatifs aux actes de M. l’Evêque de Châlons, deux charges ont résulté d’un interrogatoire de près de trois heures : 1° que le P. Sup r . avait retouché un mandement composé par M. l’Evêque pour la publication du bref du 13 avril, 2° qu’il avait écrit au Cardinal Zélada pour le prier de la part de ce prélat de présenter au S t Père un exemplaire de ses écrits dans les affaires pré- sentes, qu’il lui envoie double. Le paquet contenant les lettres et les écrits avait été saisi dans le sécrétariat de l’évêché et le sceau violé sans égard pour le souverain au ministre duquel il était adressé. Le texte de la lettre était si restreint à son objet, qu’il n’a pu four- nir matière à aucune interrogation. La procédure s’est continuée jusqu’au 10 juillet. Des témoins ont été entendus à diverses reprises ; et à chaque fois les prisonniers traduits à l’auditoire. Les arrangements ont même voulu que ce fut toujours les dimanches et fêtes, de sorte qu’autant de fois, ils ont servi de spectacle à la multitude. Ils espéraient que la fin de l’information serait l’époque de leur délivrance ; aucun des témoins ne les avait char- gés, le peu de part qu’ils avaient eu à l’émission des écrits de M. L’Evêque ne pouvait leur être reproché comme un délit constitutionnel ; attendu qu’il était établi que M. l’Evêque lui-même n’avait excédé dans les écrits ni les bornes de la modération, ni celles de l’état où il était réduit aux yeux de la loi 2 , il était évident qu’il ne pouvait résulter aucune peine corporelle contre les prisonniers ; et comme ils étaient d’ailleurs domiciliés, d’une condi- tion honnête, et pourvus des biens suffisants pour répondre de toutes les condamnations qui pourraient avoir lieu, le moins qu’ils puissent obtenir selon tous les principes de la justice criminelle était un élargissement provisoire. D’un autre côté, ils ne purent ignorer les obstacles qu’opposeraient à cet acte de justice les vœux d’un parti dont la peur gros- sissait la force. Dans cet état de choses, celui d’entre eux qui était le moins chargé et qui avait plus de motif d’espérance dans ses liaisons, présenta le premier sa requête en élar- gissement provisoire, il l’obtint sans difficulté. Encouragés par ce succès, ses malheureux compagnons se présentèrent ; mais la question se trouva changée ; les juges découvrirent à cette époque le décret qui ordonne le renvoi de ces sortes de procédures aux comités des rapports et des recherches, et il fut prononcé un sursis jusqu’à la décision des comités. Ici commence une nouvelle persécution. La transcription de la procédure étant nécessaire, pour être envoyée aux comités, un commis du greffe ne craignit point de venir déclarer aux prisonniers qu’à la vérité cette transcription était dans ses fonctions ordinaires, mais que la loi ne lui prescrivait point de temps, et qu’à moins d’une forte largesse non en espé- rance, mais en réalité, il mettrait leur patience à une longue épreuve. On eut recours à des amis, on traita, et malgré tous les sacrifices, la procédure n’arriva qu’après un mois aux comités. Il est impossible d’être traité avec plus de justice et de célérité qu’on le fut dans ces bureaux ; on dut la faveur qu’on y éprouva au recours de M. L’Evêque de Châlons et 1. Trait ironique quant au motif officiel de l’incarcération des trois prêtres, selon lequel il s’agissait de les sous- traire à la fureur du peuple. 2. Ecclésiastique réfractaire et émigré. 54 1761 1792

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