Niépce correspondance et papiers
710 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS d’attention de ma part, et non par suite de l’imperfection de mes procédés qui ont été appli- qués de même dans mes trois expériences. J’ai fait, à tout évènement, un nouveau point de vue du Gras, sur mon autre grande pierre, et j’ai recommencé mes deux petits points de vue sur pierre et sur verre du côté de la basse-cour. Les deux premiers seront prêts samedi pro- chain, et celui sur verre, qui été mis plus tard, lundi soir 1 . De cette maniere, mon cher ami, j’a[urai] de la marge, et je serai en avance sur les détails que je réserve pour ma prochaine lettre. En att[endant] tu peux, dès aujourd’hui, regarder comme une chose démontrée et incontestable, la réussite de l’app[lication] 2 de mes procédés aux points de vue, soit sur pier- re, soit sur verre. Dimanche ou lundi, je compte passer à l’acide mon premier point de vue du Gras, et si cette opération a le résultat que j’ai lieu d’espérer, je m’occuperai de suite, du moyen de faire tirer des épreuves. Alors, mon cher ami, nous n’aurons plus qu’à exploiter ce filon de la grande mine ; et comme il faut battre le fer quand il est chaud, tu penseras sans doute comme moi, que le plus tôt sera le meilleur ; car il y a trop longtems que nous faisons abnégation de notre intérêt personnelle, et il est bon que nous-nous occupions un // peu plus des espèces. Je suis aussi reconnaissant que vivement pénétré, mon cher ami, des choses tendres et trop flatteuses que tu veux bien me dire à l’occasion de mes recherches. J’ose espérer que cette fois tu ne refuseras pas d’entrer en partage des faibles avantages honorifiques et pécuniaires qui pourront en résulter. Tu as eu comme moi, la première idée de cette découverte 3 à laquelle nous avons travaillé ensemble à Cagliari 4 : elle doit donc paraitre sous ton nom comme sous le mien, et être utilisée en commun. Nous verrions avec bien de la peine qu’il en fût autrement ; car elle perdrait par là, cequi lui donne plus de prix à mes yeux ; et je ne pourrais moi-même consentir à accepter l’offre généreuse que tu veux bien me réitérer d’une manière si affectueuse et si obligeante 5 . Adieu, mon cher ami : je finis 1815 1824 1 8 De la seconde Restauration jusqu’à la naissance de la photographie (v. 374). Il s’agit probablement de celle conservée au Musée Niépce sous la dénomination de « chambre de la découverte ». On se rappelle que Nicéphore disposait en mai 1823 d’une grande pierre dont il avait fait couper des « rognures » d’une dimension de 4 pouces (v.374) pour faire « des épreuves en petit ».La grande pierre étant destinée à la plus grande chambre et les rognures de 4 pouces à celle de 4 pouces également, on peut penser que le point de vue sur verre était obtenu dans celle de 6 pouces et qu’il avait approxima- tivement cette dimension. 1. C’est ici une des rares mentions de temps de pose données par Nicéphore. Cette lettre est écrite le jeudi et on constate qu’il faut plusieurs jours pour obtenir une image. P. Jay a suggéré que le temps de séchage des pierres lithographiques était pris en compte par Nicéphore pour annoncer la réalisation des images sur pierre pour le samedi suivant (P.J. p. 108). Dans le cas de l’épreuve sur verre, aucune opération de séchage ou de préparation du support ne demande des temps très longs. L’épreuve sur verre sera obtenue le lundi. Comme elle a été mise avant que cette lettre soit écrite, force est de constater que le temps de pose est au moins de quatre jours si on suppose que l’exposition a commencé le jeudi soir,ce qui paraît pourtant moins probable qu’une exposition ayant commencé le jeudi matin. Dans ce dernier cas le temps de pose est de cinq jours. Ces temps de pose de plusieurs jours sont tout à fait en accord avec les temps de pose observés par nous pour obtenir des points de vue héliographiques suivant la méthode de Niépce. 2. Déchirure. Nous empruntons ces mots à la publication russe. 3. Mot qui, dans ce contexte précis et plus particulièrement sous la plume de Nicéphore, toujours mesuré lors- qu’il rend compte de ses propres travaux, confirme que cette lettre fait date dans l’histoire des sciences. A cet égard, il est intéressant d’apprendre d’une part ce qu’il écrivait à son cousin Curley trois mois aupara- vant, le 28 juin 1824 : « …depuis longtemps, cher cousin, je m’occupe aussi d’une découverte qui n’a aucun rapport à la mécanique et qui doit être à beaucoup près, aussi belle, aussi importante que celle de mon frère, et ne sera pas sans utilité dans les arts, ni moins propre peut-être à piquer la curiosité… » ; d’autre part ce qu’il écrira au même deux mois plus tard, le 26 novembre : « …le problème à résoudre, consistait à fixer d’une manière exacte et durable, l’image des objects représentés dans la chambre noire… j’ai résolu la pre- mière partie du problème… » (SOTH. p. 42). 4. V. 139n. 5. Claude voulait que la découverte de la photographie fût le « patrimoine exclusif » de Nicéphore (v. 383).
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