Niépce correspondance et papiers

716 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS justice qu’il ne faut pas toujours, dans les circonstances où nous sommes, se flatter d’ob- tenir sans partage de tous les contemporains 1 ; nous unissons bien sincèrement nos regrèts aux tiens, mon cher ami, de même qu’à ceux de toutes les personnes qui voient dans la paix et la prospérité publiques, les plus beaux titres de gloire dont un souverain puisse être jaloux. Charles X qui vient de monter sur le trône, se montre déjà digne de remplacer son auguste frère : il n’aspire qu’au bonheur de la France dont il sera bientôt l’idole ; et c’était le plus sûr moyen de la consoler de la perte qu’elle vient d’essuyer. Nous répétons donc avec toi, mon cher ami : mort le roi, vive le roi ! .Dans ma derniere lettre 2 , je te témoignais quelque incertitude sur le résultat de l’ap- plication de l’acide à mes épreuves sur pierre, et malheureusement, je ne me trompais pas. L’acide a gravé, quoique faiblement, certaines parties du paysage ; mais celles qui auraient dû l’être d’avantage comme étant moins éclairées, n’ont point été attaquées 3 . J’attribue ce contre tems à deux causes que je ne pourrais t’expliquer, mon cher ami, sans m’exposer à en dire trop ou trop peu. L’ingénieuse idée que tu as bien voulu me suggérer dans ton avant-dernière réponse 4 , serait, sous ce rapport, très-propre à remplir mon objet, s’il était possible de rendre l’image plus lumineuse à son foyer, sans nuire à l’obscurité intérieure qui est également nécessaire : c’est une difficulté que tu jugeras peut-être comme moi, à peu près insurmontable. Mais l’expérience m’a mis à portée de connaître que l’effet est d’autant plus sensible que le fond sur lequel l’image se peint, est plus blanc 5 ; d’où il résul- te que les pierres de cette couleur-là, seraient bien préférables aux autres ; mais je n’en ai point, et je ne sais où l’on pourrait s’en procurer qui eussent d’ailleurs les autres qualités requises. Au reste avec un peu plus de tems je puis obtenir le même effet ; ainsi le mal, // de quelque cause qu’il provienne, n’est pas sans remède. La partie la plus essentielle du problème est entièrement résolue ; et quant à la difficulté que présente l’application de l’acide, j’espère bien, mon cher ami, en venir à bout avant la mauvaise saison, à moins que le vent et la pluie qui depuis plusieurs jours m’empêchent de rien faire, ne se prolongent jusqu’à la fin de l’automne ; cequi serait encore bien plus malheureux pour les vendanges et les semailles... .Du 8. au soir. Notre intérèt commun et le plus pressant, m’oblige de te faire connaître de suite, mon cher ami, cequi vient de nous arriver. C’est une chose bien fâcheu- se pour nous, mais à laquelle il fallait nous attendre tôt ou tard. Messieurs Coste voyant que nos affaires de Londres ne se terminent point malgré toutes ( les ) assurances que nous 1824 1829 Des débuts de la photographie jusqu’à l’association avec Daguerre 1. Chalon-sur-Saône était loin de refléter l’état d’esprit général (v. 385n). Aux élections de février-mars 1824, le général Thiard avait résisté à la poussée ultra-royaliste. Il fut l’un des quinze libéraux de la « Chambre retrouvée », et l’arrondissement de « Chalon prit place à cette occasion parmi les quelques rares citadelles inexpugnables de l’opposition de gauche » (P.L. p. 467). 2. V. 384. 3. Nicéphore vient de constater que la gravure du support à l’acide n’est possible que là où le vernis au bitume est inexistant ou extrêmement mince, autrement dit dans les zones les moins éclairées de l’image originale. Les demi-teintes quant à elles sont rendues par des épaisseurs plus ou moins importantes de vernis qui empêche l’acide de venir creuser le support. Il est donc impossible par ce moyen de graver une image de point de vue d’après nature. 4. « Augmenter l’intensité de l’image en la recevant réfléchie d’une glace qui la communiquerait ensuite à la chambre obscure » (v. 383). 5. Le vernis préparé par Nicéphore laisse passer une fraction de la lumière qu’il reçoit. Si le support est un matériau réfléchissant, la lumière qui a traversé le vernis est alors renvoyée et traverse à nouveau ce vernis où elle produit des transformations chimiques supplémentaires,d’où un même effet obtenu dans un temps plus court.