Niépce correspondance et papiers

722 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS haiter, mon cher ami, que tu te trouves dans ce cas-là avant la fin du mois, pour mettre à cou- vert ma responsabilité personnelle et prévenir ainsi des conséquences trop malheureuses pour nous tous ! Une chose sur laquelle je suis bien aise de te donner l’éveil, quoique nous ne doutions certainement point de ta vigilante sollicitude ; c’est de te tenir plus que jamais sur tes gardes, et de ne pas être sans méfiance lors même de la présentation de ta découver- te, qui est trop belle, trop importante pour ne pas exciter l’envie et la cupidité./. Le mauvais tems continue toujours, mon cher ami, et je ne sais vraiment plus quand il finira. C’est alter- nativement de la pluie et un vent violent de S.O. qui malgré cela laisse le ciel toujours triste et nébuleux. Je suis donc, à mon grand regrèt, forcé de suspendre mes recherches. J’ai bien tenté de faire quelques expériences à la lumière diffuse 1 ; mais elles ont été sans succès. J’aurais pourtant désiré me rendre raison de mes précédentes données sur l’application de mes procédés à l’impression lithographique 2 . L’objection que tu me fais à ce sujet-là, mon cher ami, me parait forte, et c’est un motif de plus pour que je cherche à m’assurer si mes conjectures sont bien ou mal fondées. Je vois que le soleil s’inclinant de plus en plus à l’ho- rison, son action est si faible qu’elle devient à peu près nulle pour les points de vue ; ainsi ce n’est qu’après le solstice que je pourrai faire usage de mes appareils ; mais si le tems se met au beau, je // continuerai mes recherches sur la copie des gravures soit sur pierre soit sur verre, et sur l’emploi des procédés lithographiques pour l’impression ; cequi me sera toujours fort utile. Les jours, quoique mauvais, s’écoulent bien rapidement, et il me tarde de réparer ceux que j’ai perdus./. Tu sais, mon cher ami, qu’il a déja été question de deux projets d’éta- blissement pour ton cher neveu, lesquels n’ont point réussi, ce dont nous pouvons nous consoler. En voici un troisieme 3 qui se présente sous de meilleurs auspices, et que nous nous empressons de te confier, bien persuadés que tu ne le desapprouveras pas. C’est M. d’Anfreville, curé de S t . Marcel, que tu connais 4 , qui nous en a donné la première idée dans le principe. La jeune personne, qui est sa parente, est fille de M r . de Champmartin 5 d’Autun dont la femme est une demoiselle de Pierreclos 6 de Mâcon. Ils jouïssent d’une fortune assez considérable, et n’ont pas d’autres enfans que cette fille qui a encore de belles espérances. Ils 1824 1829 Des débuts de la photographie jusqu’à l’association avec Daguerre 1. C’est-à-dire en dehors de la chambre obscure, directement sous la lumière solaire. Nicéphore différencie en effet la lumière solaire directe (diffuse) où toutes les couleurs sont mélangées et la lumière décomposée par un prisme où les couleurs sont dispersées. Il classe dans cette dernière catégorie les images projetées dans la chambre obscure où chaque objet présente sa propre couleur. Dans les expériences à la lumière diffuse, il s’agit de reproduction de dessins translucides par contact. 2. Répétons que l’adjectif « lithographique » doit être pris dans son sens étymologique ; il n’est nullement question de l’invention de Senefelder ici. 3. C’était en réalité le quatrième. Le premier s’était présenté en 1817, sous les traits d’une « jeune personne intime amie de Mademoiselle Clara » de Sassenay (v. 286), le second en 1818, avec une cousine dont les dis- positions n’étaient « rien moins qu’engageantes » (v. 328) et le troisième en 1822, avec une « jeune per- sonne » qu’Isidore ne connaissait pas, ce qui faisait craindre « un mariage par procuration » (v. 365). 4. On sait que les Niépce conservèrent soigneusement le texte du discours qu’il prononça lors de l’anniver- saire de la Restauration, en 1816 (v. 244). 5. Henri Marie Gaucher de Champmartin (né en 1774), fils de François Marie (né en 1732), écuyer, seigneur de Monsecq, Champmartin (commune de Valigny, canton de Cérilly, arrondissement de Montluçon dans l’Allier) et autres lieux, ancien exempt de la maréchaussée. Comme son père, Henri Marie naquit au château de Montsecq ; comme lui il fut inscrit sur une liste particulière d’émigrés le 30 juillet 1792, réclama au dis- trict de Chalon le 27 germinal an III (16 avril 1795), produisit de nouveaux certificats en thermidor an V (juillet 1797), fut rayé en vertu de l’amnistie du 6 floréal an X (26 avril 1802) et du serment de fidélité qu’il prêta le 26 du même mois (16 mai). Comme lui il avait habité à Cluny (P.M.2). 6. Disons seulement ici que Monsieur et surtout Madame de Champmartin, étaient très liés aux Lamartine. Dans son journal, la mère du poète a souvent évoqué leur présence à Milly. Lamartine devait immortaliser sous les traits de Laurence, l’héroïne de Jocelyn , l’une des sœurs cadettes de Madame de Champmartin.

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