Niépce correspondance et papiers

898 C ORRESPONDANCE ET PAPIERS D’abord, ( il a fallu m’occuper [...] 5 le principe ) je me suis occupé à chercher parmi les sub- stances des trois régnes, celle qui pouvait le mieux remplir mon objet ; cequi m’a engagé, sur chacune ( d’elles ) , dans une foule d’expériences // préliminaires qui m’ont fait perdre beaucoup de tems. Ensuite, pour obtenir une complette réussite ( réussir complettement, ) il m’aurait fallu vaincre ( j’avais à surmonter ) des difficultés de plus d’un genre. Difficultés du côté de la manipulation qui, ne pouvant s’acquérir que par un usage habituel, donne lieu ( expose ) à bien des méprises, et occasionne parfois, d’étranges anomalies dans les résultats. Difficultés surtout, du côté des moyens qui concourent plus ou moins directe- ment, à la production de l’éffet principal ; éffet magique dont la cause insaisissable échap- pe comme un Prothée 1 , à la sagacité de l’observateur le plus attentif. .Si j’ose donc recommander à l’indulgence du public, le fruit prématuré de mes recherches, ce n’est qu’en les signalant comme un objet du moins piquant par l’attrait de la nouveauté, et dans l’espoir que je ne réclamerai pas en vain, l’utile appui de tant de per- sonnes plus capables que moi d’en assurer la réussite 2 . Qu’il me soit permis d’ajouter que j’ai pu d’ailleurs, y être incité par les encouragemens que des artistes distingués de la capi- tale 3 , et plusieurs membres de la Société royale de Londres 4 ont bien voulu m’accorder. .L’ouvrage que j’entreprends, devant être le simple récit des faits que l’observation et l’expérience m’ont mis à portée de recueillir ; l’ordre que ( je ) dois suivre dans la distribu- tion des matieres, et les bornes qui me sont prescrites, se trouvent naturellement détermi- nés. Ainsi, je parlerai d’abord, des propriétés chimiques de la lumiere, dans son état de composition 5 ; mais pour les envisager sous le rapport qui les lie plus étroitement à mon sujet, je les caractériserai d’après les modifications sensibles qu’elles opérent dans les corps, et je les distinguerai par le nom de propriété colorante, propriété décolorante, et pro- priété solidifiante de la lumiere 6 . // Je passerai ensuite, à l’examen expérimental de ces trois sortes de propriétés dont la derniere m’a fourni, dans ses éffets remarquables, la solution du problème que je m’étais proposé, et qui fixera désormais, toute mon attention. Je terminerai ce paragraphe en rap- portant d’une maniere circonstanciée, cequi tient aux procédés manuels, c’est à dire ( pra- tiques ( de ) c’est à dire ) la manipulation. .Ramené, dans le paragraphe suivant, à d’autres phénomènes de la lumiere, je me livrerai à quelques considérations sur ceux qu’elle manifeste lorsque, décomposée par le prisme, elle déploie ses plus riches couleurs. Je ferai connaître les différentes hypothèses aux quelles ils ont donné lieu ; la discordance qui existe entre elles, quant à la nature du principe d’action attribuée à chacun des rayons prismatiques ; discordance qui laisse ainsi, 1824 1829 Des débuts de la photographie jusqu’à l’association avec Daguerre 1. Protée*. 2. Nicéphore en appelait aux investisseurs. 3. Par artiste, Nicéphore désignait aussi bien Chevalier que Lemaître et Daguerre. 4. Bauer, Home,Young et Wollaston. 5. Cet « état de composition » est celui de la lumière blanche composée de toutes les couleurs, par opposition à celui de la « lumière décomposée » (v. doc. infra) où l’on perçoit les couleurs. Les expériences concernant l’état de composition sont donc celles effectuées sous la lumière du soleil.Les « expériences à la lumière dif- fuse » sont aussi relatives à cet état. Ce sont celles où l’inventeur reproduit un dessin par contact en faisant passer la lumière au travers du papier rendu translucide. 6. Nous retrouvons ici les trois grandes étapes des recherches de Nicéphore : d’abord l’emploi de substances qui se teintent à la lumière comme le muriate (chlorure) d’argent et conduisent à des images négatives non fixées, puis celles qui se décolorent (chlorure de fer, oxyde de manganèse…), supposées donner des images posi- tives, enfin celles qui deviennent insolubles à la lumière (résine de gaïac et bitume de Judée).

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