Niépce correspondance et papiers

N IEPCE VII Lorsque naît le futur inventeur de la photographie, Choiseul préside aux affaires générales du royaume ; Madame de Pompadour est morte depuis onze mois à peine ; la guerre de Sept ans s’est achevée depuis deux ans. Dans cette guerre, l’une des plus funestes qu’ait jamais soutenues la France et qui a mis aux prises toutes les puissances de l’Europe, notre marine a été anéantie, le prestige de l’Etat perdu, notre puissance coloniale en Inde et en Amérique du nord ruinée, le sentiment national violemment offensé. Pour comble d’humiliation, c’est la France qui a dû payer les frais de la paix entre l’Espagne et l’Angleterre. A l’instar du cardinal de Bernis, on pense que le rôle qu’a joué l’Etat avant et pendant la guerre « a été extravagant et honteux ». Choiseul qui a vivement ressenti l’humiliation du traité de Paris, imprime une vigoureuse impul- sion à la réorganisation de la marine et de l’armée. Alors qu’il présente à Louis XV son Mémoire don- nant l’état de la marine à l’époque où celle-ci « devait partout et n’avait pas un sou de crédit », les questions maritimes et navales sont sérieusement étudiées, des écoles publiques d’hydrographie orga- nisées. Gribeauval qu’il a chargé de reconstituer le corps de l’artillerie, explique que celle-ci doit varier ses engins en raison des besoins de la guerre et qu’il faut créer un matériel approprié aux dif- férents services de campagne. Les pièces sont allégées, rendues plus rapidement mobiles. Fidèle à l’alliance autrichienne conclue à Versailles en 1756 et 1757, convaincu que celle-ci est utile à la France, Choiseul reprend son projet de mariage du dauphin 2 avec l’archiduchesse d’Autriche, Marie-Antoinette, qui n’a que dix ans. Deux mois plus tôt, en novembre, Louis XV a confirmé l’expulsion des jésuites. Après trois années de violentes passions parlementaires et d’hésitations de la part du roi, les jésuites, maîtres de l’enseignement, rivaux des oratoriens, ont été condamnés à quitter la France par arrêt du Parlement du 9 mars 1764. Seul adoucissement à cette condamnation : l’édit de novembre permet désormais à « ceux qui étaient dans la dite Société de vivre en particuliers » dans le royaume. Mis en accusation en 1756 à cause de la banqueroute du P. de La Valette, supérieur général de toutes les missions françaises de d’Amérique du sud, détestés par le Parlement de Paris où les jansé- nistes donnent le ton, par les gallicans, les philosophes, les francs-maçons, les universités, M me de Pompadour et ses amis, les jésuites ont été condamnés une première fois en mai 1761 ; leur ordre a été supprimé l’année suivante. Leur expulsion donna satisfaction au parti philosophique. Pour les Parlements, elle fut le moyen de venger les jansénistes et de porter un coup au pouvoir absolu. La haine du jésuite faisait fureur partout : dans les salons aussi bien que dans les rues. On com- parait Jésus-Christ à un pauvre capitaine réformé qui a perdu sa « compagnie ». Près de la place Vendôme, les camelots de la foire Saint-Ovide vendaient une statuette de jésuite juché sur une coquille d’escargot ; il suffisait de tirer sur une ficelle pour faire rentrer le jésuite dans sa coquille. La victoire acquise, les Parlements se sont empressés de mettre la main sur la centaine de col- lèges vacants. En février 1763, une fois réglée la procédure à suivre pour vendre les biens des jésuites, un édit du roi a attribué la direction des collèges à des « Bureaux d’administration ». Parlementaires et philosophes s’accordant à réclamer une réforme de l’éducation, des plans ont été préparés. L’année 1765 1 1. Nous avons largement puisé dans l’irremplaçable Histoire de France d’Ernest Lavisse (1822-1922) la matière de cette notice. 2. Choiseul avait envisagé son mariage avec Marie-Antoinette dès 1757; son projet aboutira en 1770. Rappelons par ailleurs que la mort du dauphin Louis, père du futur Louis XVI, survint précisément en cette année 1765.

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