Niépce correspondance et papiers

X C ORRESPONDANCE ET PAPIERS par la position particulière de la Bretagne, dernière des provinces françaises réunie à la couronne, et par la haine que La Chalotais, procureur général au Parlement de Rennes, voue au duc d’Aiguillon 1 , le gouverneur de la province. Passionnément attachés aux privilèges de la Bretagne, le Parlement de Rennes, presque entière- ment recruté dans la vieille aristocratie locale, et les Etats de Bretagne où domine une noblesse tra- vailleuse qui se considère presque comme indépendante, font cause commune dans leur résistance contre la monarchie centralisée. La Bretagne se prévaut de son acte d’union de 1532 qui stipule qu’aucune taxe ne peut être levée sur son territoire sans avoir été d’abord consentie par ses Etats. Pair de France, neveu du maréchal duc de Richelieu, parfait courtisan, attaché au parti des dévots et donc opposé aux parlementaires, d’Aiguillon est alors gouverneur depuis plus de vingt ans. Il s’est distingué par une administration très active, a multiplié les travaux de voirie, créé ou réparé les voies de communication, notamment les « grands chemins », s’est distingué par sa bravoure pen- dant la guerre de Sept ans. On l’a même vu prendre parti en faveur de la province contre les ministres. Cependant il s’est montré neutre tout au long du procès des jésuites, ce qui a paru suspect au parti de Choiseul, et surtout s’est attiré la haine de La Chalotais pour avoir voulu empêcher le magistrat d’assurer sa survivance à son incapable de fils. Or La Chalotais qui s’est illustré dans le procès des jésuites, jouit de la protection de Choiseul et des philosophes. Le 5 juin 1764, à propos de l’enregistrement de la déclaration du gouvernement relative aux mesures fiscales proposées par Bertin, le Parlement de Rennes entraîné dans la voie révolutionnaire par La Chalotais, fit des remontrances dans lesquelles il reprochait à d’Aiguillon ses « grands che- mins ». C’est alors que L’Averdy ordonna la levée en Bretagne de deux sous pour livre des droits des fermes, sans vouloir entendre d’Aiguillon qui lui conseillait d’en conférer avec les Etats de 1764-1765 qui allaient se tenir. Comme il était prévisible, une fois assemblés, en octobre, les Etats s’opposèrent à cette mesure. Le Conseil du roi leur ayant interdit tout recours au Parlement de Rennes, celui-ci exaspéré refusa d’afficher l’arrêt du Conseil et les parlementaires suspendirent l’exercice de la justice. En mai 1765, ils démissionnent, consacrant ainsi les débuts de la gauche parlementaire. Soupçonné d’être l’auteur de billets anonymes injurieux et menaçants qui visent la personne du roi, puis reconnu coupable de corruption préjudiciable à l’autorité de l’intendant de Rennes et de d’Aiguillon, La Chalotais est arrêté et emprisonné sur ordre du gouvernement ; le Parlement de Rennes exilé. Par lettres patentes du 16 novembre 1765, une commission extraordinaire qu’on appellera par ironie le « bailliage d’Aiguillon », est constituée. En voyage dans le midi, le gouverneur n’a pourtant été pour rien dans l’arrestation du procureur et la commission a été formée sans qu’il fût consulté. A la fin de l’année, il met comme condition à son retour en Bretagne la constitution d’un nouveau Parlement, lequel devra juger les magistrats incarcérés. De plus il engage des négociations pour recru- ter les nouveaux juges, ce que les parlementaires ne lui pardonneront pas. Découragé par une guerre de pamphlets d’une violence extrême, d’Aiguillon demandera lui- même son rappel au roi qui y consentira au printemps 1766. Mais l’ancien Parlement qui sera réta- bli le 15 juillet n’aura de cesse de mettre l’ancien gouverneur en jugement. L’affaire sera portée devant le Parlement de Paris en 1770. S’ouvrira alors le procès qui sera celui de la monarchie même et amènera la fin de l’Ancien Régime. S’il est un domaine inattendu dans lequel l’administration des finances se montre, malgré elle et à l’insu de L’Averdy, très efficace, c’est celui de la propagande de Voltaire et des philosophes. L’année 1765 1. Sa mère, Anne-Charlotte de Crussol, avait pour cousin germain le grand-père d’Emilie de Crussol, épouse du duc de Rohan, seigneur de Saint-Loup-de-Varennes, dont les Niépce seront les fondés de pouvoir jusqu’à la Révolution.

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