Niépce correspondance et papiers

XII C ORRESPONDANCE ET PAPIERS accusent de paresse, d’ignorance et d’inutilité. L’opinion publique leur est si hostile que le recrute- ment en est interrompu. Décision est prise de demander au pape de désigner des commissaires char- gés de corriger les abus, mais le gouvernement refuse de faire intervenir Rome dans une question de police ecclésiastique intérieure. En outre l’assemblée se plaint de la complaisance du gouvernement pour les protestants et réclame l’application des lois, mais échoue également sur ce point. Dix ans plus tard, le 24 septembre 1775, à l’Assemblée générale du Clergé qui lui reprochera de ne pas respecter sa promesse (prononcée dans le serment du sacre) de faire disparaître du sol français les hérétiques, Louis XVI se contentera de décla- rer « qu’il n’est pas dans la disposition d’accorder aucune faveur ou protection à la religion réformée » ; néanmoins les faits démentiront ses propos puisqu’en 1777 le protestant Necker (âgé de 33 ans en 1765 et qui fonde une banque rue de Cléry) sera nommé directeur général des Finances. Le 9 mars 1765, surlendemain de la naissance de Joseph (Nicéphore) Niépce, survient un évé- nement qui consacre à jamais la gloire de Voltaire et sa victoire contre l’« infâme » : le tribunal des Requêtes de l’Hôtel rend un arrêt définitif réhabilitant Jean Calas. Trois ans auparavant, ce malheureux protestant de 64 ans, marchand d’indiennes à Toulouse, accusé à tort d’avoir assassiné son fils aîné pour l’empêcher de se convertir au catholicisme, a été traîné devant la cathédrale pour y faire publiquement amende honorable, conduit à l’échafaud, fra- cassé à coups de barre de fer sur la croix de Saint-André, puis enroulé désarticulé sur une roue, pour y vivre encore, ainsi que l’avait ordonné l’arrêt de la cour, « en peine et repentance » de son crime et « servir d’exemple et donner la terreur aux méchants ». Les philosophes et les parlementaires qui s’étaient un moment accordés dans la lutte contre les jésuites, se retrouvèrent aux prises sur la question de la liberté de conscience. Depuis le milieu du siècle, les populations catholiques qui avaient longtemps soutenu le clergé dans sa persécution des protestants, exprimèrent leur désapprobation. Des écrits prônant la tolérance circulèrent. Mais l’Eglise se refuse obstinément à cette tempérance : en 1767, la Sorbonne censurera Bélisaire, le roman de Marmontel, collaborateur de l’ Encyclopédie, qui prêche la tolérance. « Ce n’est pas dans le XIII e ou dans le XIV e siècle que cette aventure est arrivée, c’est dans le XVIII e », écrira Voltaire en 1769, dans son article sur la Torture . Comme les affaires de Calas et de Sirven, celle du jeune chevalier de La Barre 1 va devenir un événement dans l’histoire de l’Europe, dans la mesure ou l’Europe s’y intéressera comme aux persé- cutions contre les protestants. Le chevalier de La Barre lui, sera victime des sentiments de l’Eglise et des magistrats à l’égard des philosophes. Tout débute le jour de la Fête-Dieu 1765, à Abbeville, sur un pont, lorsque des inconnus muti- lent un crucifix. Les coupables ne sont pas découverts mais quatre jeunes gens qui se sont vantés de n’avoir pas ôté leurs chapeaux devant la procession du Saint-Sacrement, sont dénoncés et accusés de la mutilation du crucifix. Il s’agit du chevalier de La Barre et de trois autres mineurs. Au cours de l’interrogatoire devant la chambre criminelle de la sénéchaussée de Ponthieu, le chevalier confirme ne s’être pas découvert mais sans intention irrévérencieuse, avoue avoir chanté des chansons paillardes mais allègue l’ivresse, reconnaît avoir lu des livres réputés licencieux, notamment le Dictionnaire philosophique de Voltaire. Le procureur du roi étant d’avis de faire mettre les jeunes gens dans une maison de force, en fait part au procureur général du Parlement de Paris, Joly de Fleury. Mais saisissant l’occasion d’atteindre Voltaire et les philosophes, le Parlement ordonne au tribunal d’Abbeville d’instruire le procès. L’année 1765 1. François Jean Lefèbvre. Fils de Jean-Baptiste Alexandre Lefèbvre de La Barre et Claude Charlotte La Niepce, il était né le 4 septembre 1745.

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